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             - The unsettled spaces -

 

When watching his photographs, I often travelled with Pierre Lavielle, physically or mentally, because the windows he opens, aren’t so easy to  discover.
Pierre is a land surveyor, his look draws a map for us of a forgotten world, in the movement, in his constant and endlessly renewed search of gaps, of space-edges . A map , where the possible former presences of these deserted places , are  still echoing among the new forces that mould them. Weaving a link between the spectator and the lost yearnings of those who lived in those places before, he drives us to think again about the control we exert on our environment with a certain humility.
 Pierre Lavielle’s work shows at the same time : “ the increased strength of the defeated spaces “and the real fragility of our own tracks.
They are for me the beauty and strength of his art.

     Je recherche un espace interstitiel, un pli, pour tenter de toucher le corps phénoménal, être à la fois du côté de l’être et du côté du néant, qui sont les deux moments inséparables de l’apparaître. Se trouver en amont et en aval du sens. Pour cela l’usage que j’ai de la chambre photographique et de l’instrument acoustique me semble être une première piste de réflexion. Le rapport que j’entretiens avec ces outils est du même ordre. Ce sont tout deux des outils premiers voir primitifs qui induisent un rapport spécifique au poïen. L’usage de la technique se manifeste principalement comme une extension du corps. Ceci nous mène à ce que je ressens comme une nécessité: la sensualité. Elle se prolonge dans le corps, elle est densité, épaisseur, profondeur de la matière, c’est un élément conducteur, un canal vers une dimension plus immatérielle. Une passerelle vers l’intime, vers nos intuitions.

    Mon travail photographique est proche de celui du flâneur. Charles Baudelaire puis Walter Benjamin l’ont défini comme tel: celui qui tout en se situant à « l’écart de toute vie active » fait constamment l’expérience du choc en prélevant ici et là des « fragments hétérogènes de temps ». Chaque geste que je réalise est induit pour une part par son précédent et pour une autre s'en libère. Je conçois la photographie comme un « mille feuille » de réalité et de sensible. Je suis à la recherche de l'entre deux, du peu, de la matité. L’incertitude et la (v)acuité sont les organes premiers de mon cheminement. J'écoute avec mes yeux. Anouar Brahem au sujet de sa musique dit: « c'est le vent dans les cimes qui me guide ». Roland Barthes dit au sujet de la photographie: « Au fond – ou à la limite – pour bien voir une photo, il vaut mieux lever la tête ou fermer les yeux […] (fermer les yeux, c’est faire parler l’image dans le silence). […] [N]e rien dire, fermer les yeux, laisser le détail remonter seul à la conscience affective ».
 Je fouille le réel comme un paysage, un territoire dans lequel des rythmes et des pulsations s’entrelacent. Je m'attache à les enregistrer, je les réorganise et tisse de nouvelles articulations dichotomiques.
La photographie est une captation de l’écho de la réalité, du chant du monde. Quand je la montre, je la greffe, je lui consacre un nouvel espace/temps. Elle se comporte comme une bouture dans nos esprits, elle imprime un temps continu. La musique quant à elle, est une mise en spatialité de ses échos, elle est aussi l’impression que laissent ces échos.

     Mon travail musical prend lui aussi pied dans la flânerie. La marche sans instrument est aussi un véritable espace/moment de composition, se manifestant au travers du chant ou du sifflement, qui me servent de base de travail. C’est là que se créent les premières lignes mélodiques, qui ouvrent la voix au thème. Il s’agit d’éprouver un choc, celui des notes qui constituent de petits ensembles fragmentaires de temps et d’espace. Elles sont conduites par les gestes, le toucher, une pulsation, qui s’avèrent être comme une fine membrane conductrice, entre l’être (le musicien) et le néant (l’instrument); peut-être est-ce l’inverse. Ce qui est sûr c'est qu’on s’anime l’un l’autre.
    

       La musique est un paysage mouvant, se révélant tout comme lui en fonction des conditions météorologiques, des volontés architecturales et par l’énergie de la nature. Ce qui définit tout d’abord  le paysage c’est sa topographie. La musique narre quelque chose, qui n’est d’ailleurs pas forcément défini ou nommable, elle incarne, elle refond, produit de l’écart. Ce sont, au demeurant, les points communs entre l’expérience photographique et l’expérience sonore. A l’instar de la photographie la captation musicale fixe la musique, elle installe le geste musical et le son dans un temps continu.
La durée et le rythme sont la manifestation du temps et de son écoulement, le tempo en musique. Ce sont des socles sur lesquels repose aussi mon approche artistique. Jusqu’à présent, j’articule mes photographies au travers de séries, qui sont des segments de temps et d’espace, par les formats, par le vide, il abrite pour moi la force du vivant qu’il y a entre les images; c’est là que ce trouve la musique. Quant à la musique c’est probablement dans les silences que naissent les images. La pulsation et le rubato sont le squelette et la chair sur lesquels peuvent venir reposer des étoffes de sensations, de pensées…La durée convoque l’imprégnation, les impressions, l’imagination. Elle nous immerge dans le temps faible: celui de la contemplation, de la méditation. En cela, la marche fût et est toujours très importante dans mon travail car je l’éprouve essentiellement au travers de la mise en mouvement et du battement qu’elle induit de manière physique et/ou spirituelle.

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